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Addict au sexe: est-ce donc possible ?


Joëlle MIGNOT - Si j’ai choisi ce titre en forme de question, c’est que d’emblée le terme « d’addiction sexuelle » associe deux notions qui se répondent



L’addiction en tant que mécanisme de dépendance mêlée à la sexualité au coeur de la dynamique de la vie humaine, corporelle et relationnelle. Trois piliers soutiennent cette introduction : - L’étymologie toujours éclairante… Pour le mot « sexe », nous sommes dans ses origines latines entre le « secare », couper, diviser, et le « sequi », accompagner… Le mot addiction, d’origine anglaise, signifie « adonné à »… mais aussi « ad-dicere », « dire à », au sens de la soumission en référence aux esclaves romains qui n’avaient pas de noms en propre et « étaient dits » à leur pater familias, l’homme de plus haut rang de la maison romaine.

S’ajoute par le latin « addictus » l’idée de contrainte par corps et dette reprise par le psychanalyste Jean Bergeret (1). Nous ne pouvons ignorer la notion d’assuétude qui se définit comme une « tendance irrépressible à recommencer un acte »… Accoutumance, dépendance et habitude en sont les synonymes.
L’élan sexuel, propre à la relation animale et humaine, contient donc cette notion de répétition à la fois instinctive, pulsionnelle, comportementale, expérientielle et relationnelle, les liens entre sexualité de reproduction et de récréation, mais questionnent les expressions du désir et du plaisir… C’est en cela que le terme « d’addiction sexuelle » nous trouble. - La définition contemporaine de la Santé sexuelle qui met en évidence la notion de « bien-être » : « La santé sexuelle* est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité ; elle n’est pas simplement l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités.

La santé sexuelle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sûres, sans contrainte, discrimination et violence. Pour atteindre et maintenir un bon état de santé sexuelle, les droits sexuels de tous les individus doivent être respectés, protégés et exercés. » - Ma pratique clinique en sexologie depuis plus de trente ans où j’ai été amenée à rencontrer l’addiction mais aussi ce que j’appellerais les pseudo-addictions sexuelles.

Car les addictions sont à la mode, et en matière de sexualité elles mettent en perspective les limites de la nosographie mais aussi de la pathologie, se heurtant à des dimensions plus philosophiques comme le rapport à la morale ou au biologique comme les dérèglements hormonaux ou cérébraux… L’Inserm considère que les addictions sont des « pathologies cérébrales » en lien avec une dépendance et entraînant des conséquences délétères (Inserm.fr, 2018, « Addictions, du plaisir à la dépendance »). Cette approche semble réductrice, même si elle reste intéressante pour la compréhension des mécanismes physiologiques.

Quelques vignettes cliniques pour mettre en évidence la difficulté du diagnostic…

Car en matière de sexualité, nous sommes toujours au coeur du psychisme humain, du conscient et de ses rapports avec l’inconscient, de la question de la norme, si sensible et évolutive tant sur le plan individuel que collectif, et enfin de la liberté individuelle. Dans ce cadre, nous verrons comment l’hypnose peut être un outil privilégié tant sur le plan diagnostique que thérapeutique.

Quelques vignettes cliniques pour mettre en évidence la difficulté du diagnostic… A. consulte, anxieux, car il dit se masturber trop souvent… addict à l’autoérotisme ?
D. se plaint d’un désir envahissant pour sa partenaire qui n’en peut plus… addict à elle ?
D. ne peut avoir des orgasmes que devant des films pornos… addict aux images ?
I. ne pense qu’à emmener sa femme dans des boîtes libertines… addict à l’échangisme ?
C. ne peut faire l’amour sans s’habiller en pompier… addict à son fantasme ?
T., en couple, ne peut se passer de contacter des escorts… addict à la prostitution ?

Nous sommes toujours à la frontière, en cela la notion d’état limite est intéressante entre la « véritable » addiction, l’hypersexualité, la paraphilie ou… la sexualité qui tout simplement lutte contre la frustration, ou bien originale, créative voire libérée ! Nous allons donc tenter d’y voir plus clair, ce qui sera indispensable avant de pratiquer l’hypnose.

I- La définition de l’addiction sexuelle et les problèmes qu’elle pose

Sa particularité est qu’il s’agit d’une addiction sans substance. Pour les experts du DSM 5 paru en 2013, l’addiction au sexe ne serait pas une authentique addiction car les données scientifiques la concernant ne sont pas convaincantes… Si on se réfère à la CIM 10, la notion de dépendance prime comme un syndrome qui se définit par un ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques, mais point de notion d’addictions comportementales ou sexuelles…

Un doute subsiste donc dans la communauté scientifique sur la réalité de l’existence des addictions comportementales dans lesquelles peuvent se classifier les addictions sexuelles. En 2001, dans l’article de Science, « Behavioral addiction, do they exist ? » (2), puis en 2002, Marc Valleur et Dan Velea insistaient sur ce concept difficile à définir mais aussi sur la parenté entre les différentes toxicomanies sans drogues. La proximité avec l’hyperactivité sexuelle mérite qu’on s’y arrête. La question du choix est au centre du distinguo. Nous dirions que dans les conduites addictives il y a un assujettissement au comportement compulsif et une détresse plus ou moins notable, alors que dans l’hyper sexualité, il s’agit d’un choix entièrement tourné vers le plaisir. La dimension subjective est donc hautement importante et sera décisive pour la prise en charge en hypnose.


La tyrannie du « craving » se définit comme une envie impérieuse qui conduit le sujet à être intolérant à toute frustration et notamment au manque quand l’abstinence s’installe. Or, n’est-il pas légitime en matière de sexualité d’être frustré quand la sexualité est insatisfaisante ? Il sera donc nécessaire dans le cadre d’une prise en charge sexologique de débroussailler aussi les conséquences qui peuvent fortement influencer la vie du sujet : les états émotionnels négatifs, sentiment de culpabilité, sentiment de honte, dépression, mais aussi isolement et sentiment de ne pas être « normal ».

... les pseudo-addictions qui souvent sont sous-tendues par de la frustration…

Si la prévalence de ce qui peut se considérer comme « addiction sexuelle » est de 3 à 5 hommes pour une femme et qui la fait envisager par Florian Voros comme une pathologie de la masculinité (4, 2009), la clinique nous montre que les aspects relationnels, en particulier dans la dynamique du couple, sont primordiaux. En particulier pour les pseudo-addictions qui souvent sont sous-tendues par de la frustration, des manques de désir de la partenaire mais aussi des sexualités qui deviennent rituelles ou érotiquement pauvres.

De même, ces processus peuvent prendre plusieurs visages qui peuvent se décliner en trois grandes familles : la dépendance aux médias d’aujourd’hui et de façon privilégiée à Internet, et donc la pornodépendance, la dépendance aux rencontres humaines call-girl, prostitution, multiplication des rencontres, et l’activité sexuelle elle-même à travers des pratiques comme la masturbation, ces trois modes de comportements pouvant se croiser. Le sujet tombe alors dans un véritable piège : la perte du contrôle de soi, l’envahissement sur les autres activités, l’augmentation de la motivation, un état émotionnel négatif, l’incapacité à arrêter malgré les conséquences, une diminution de la capacité à se contrôler face à l’excès.

Mais que dit-on quand on parle d’excès en matière de sexualité ? La dimension quantitative est indéniable… mais qu’en est-il de la dimension qualitative de la sexualité ? Nous nous arrêterons donc sur ce qu’on appelle en matière d’addiction le moment « magique ».
Existe-t-il ? Au-delà du système de récompense bien connu dans les addictions avec substance, il s’avère qu’en matière de sexualité la quête peut devenir compulsive. Mais quête de quoi ?
De l’objet du désir ?
De la jouissance ?
De l’excitation ?
D’un idéal de soi, de l’autre, du couple ?
De l’extase ?
D’un plaisir au fond inaccessible ?

Que ce soit avec une lecture psychanalytique (Bergeret, 1981) dans ce mouvement qui pousserait le sujet à « régler une dette » par cette peine auto-infligée face à des carences affectives et qui souligne une dimension masochique du processus, ou bien encore dans une fonction d’évitement de situations anxiogènes par la répétition (6, Peele, 1975), il n’en reste pas moins vrai que la recherche de sensations nouvelles et fortes est souvent au coeur de ces comportements. Eli Coleman (7, 1990) a également proposé un modèle des addicts sexuels qui seraient déterminés par au moins deux des critères suivants : la drague compulsive avec dimension anxiogène, l’auto-érotisme compulsif (on parle de 5 à 15 actes masturbatoires par jour), la fixation compulsive sur un partenaire et une idéalisation, les rapports compulsifs amoureux multiples, la sexualité compulsive avec besoin insatiable et interminable d’expression amoureuse et d’attention. Il s’agit donc plus d’une quête de ce « moment magique », idéalisé, anticipé, fantasmé qui est très vite rattrapé par l’aliénation. Alors sexualité addictive ? compulsive ? impulsive ? excessive ? Bref, c’est « too much ».

La proximité avec l’hypersexualité ne se situe-t-elle qu’au niveau de la dimension du plaisir qui existerait dans un cas et pas dans l’autre ? L’hypersexuel aurait plutôt une image valorisée de virilité et l’addict de pathologie ? Et nous ne parlons pas de femmes hypersexuelles qui elles véhiculeraient l’image de l’hystérique voire de la sorcière ?

L’addict sexuel, s’il en est, serait-il dans un mouvement régressif un « ocnophile », celui qui éprouve le besoin de se cramponner aux objets, symbole de sécurité, dans ce mouvement de régression dite « maligne » proposée par Michael Balint, contrairement au « philobate » qui sait lâcher prise et se laisser entraîner (8, Balint, 1968). Autant de nuances que d’histoires individuelles…

L’élargissement de la conscience sexuelle proposé et vécu dans l’hypnose…

Il sera donc, avant toute prise charge en hypnose, d’évaluer sur le plan sexologique la demande, la plainte et les attentes du sujet pris dans son histoire, son environnement, dans sa culture, comme nous le propose la définition de la Santé sexuelle. Cette évaluation passe par l’écoute attentive, l’observation clinique, le non-jugement et l’accompagnement thérapeutique spécifique de l’hypnose. Mais aussi sur la place du symptôme sexuel. Il n’est pas rare qu’une dysfonction érectile ou une éjaculation rapide accompagne les processus addictifs chez l’homme. Chez la femme, l’anorgasmie fait aussi parfois le lit de ces mécanismes.

II- L’hypnose serait-elle donc une thérapie pour un symptôme qui n’existe pas, qui n’a ni nom, ni diagnostic véritablement établi ?

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JOËLLE MIGNOT Directrice du pôle Santé sexuelle, Sexologie et Droits humains Université Paris Diderot. Psychologue, psychothérapeute ARS et sexologue clinicienne. Membre du comité exécutif de la Chaire Unesco Santé sexuelle et Droits humains. Vice-présidente de la Confédération d’hypnose et thérapies brèves. Rédactrice en chef de la revue « Sexualités Humaines ». Auteure et conférencière.


Conférence exceptionnelle sur le Psychotraumatisme...




Rédigé le 13/05/2020 à 12:27 | Lu 861 fois | 0 commentaire(s) modifié le 27/02/2024





Laurent GROSS
- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies... En savoir plus sur cet auteur

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