Hypnothérapie
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Plutôt que la drogue: l’hypnose pour retrouver du plaisir ?


Dina Roberts.
Les troubles addictifs et psychiatriques sont fortement associés



Elogio a la imaginacion. © Claudia Botero
Elogio a la imaginacion. © Claudia Botero
Parmi les patients admis en psychiatrie, 30 à 50 % ont une problématique addictive, et parmi les patients suivis en addictologie, plus d’un tiers ont une pathologie psychiatrique. La dépression est l’une des pathologies psychiatriques les plus représentées chez les patients dépendants. Il peut être difficile de faire le diagnostic de dépression chez un patient consommant une substance psychoactive car pour poser le diagnostic, il faudrait pouvoir être à distance des produits (quatre semaines). Or parmi ces patients, nombreux sont ceux qui ne peuvent rester suffisamment longtemps à distance des consommations. Les symptômes dépressifs sont parfois uniquement présents lors des descentes de produits, ou associés au manque, et ne constituent alors pas un réel trouble dépressif caractérisé. Lorsque les troubles addictifs et dépressifs sont associés, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

- le trouble dépressif peut être primaire et les consommations de toxiques utilisés en automédication pour apaiser les symptômes dépressifs ;

- le trouble dépressif peut être induit par la consommation de substances : la dépression est donc secondaire au trouble addictif ;

- les troubles dépressifs et addictifs peuvent être co-occurrents. On parle aussi de pathologie duelle, favorisée par le fait que ces troubles partagent des facteurs de vulnérabilité communs. Les deux troubles coexistent alors chez un même individu sans relation directe de cause à effet. Dans tous les cas, l’association des deux troubles aggrave leur pronostic et complique leur prise en charge car ils s’auto-entretiennent.

Qu’il s’agisse d’un trouble dépressif caractérisé, ou de symptômes dépressifs apparaissant lors de la consommation d’un produit, lors de la descente ou encore dans la période de deuil de la consommation, l’hypnose peut être un outil très intéressant au sein d’une prise en charge globale, médico-psycho-sociale.

Dans cet article, nous nous sommes appuyés sur les retours d’expériences de patients ayant bénéficié de l’hypnose thérapeutique dans la prise en charge de leur addiction aux substances psychoactives. Nous avons mené une recherche qualitative, utilisant la méthodologie IPA (Interpretative Phenomenological Analysis) afin d’évaluer le vécu subjectif des patients.

Dix patients suivis en hypnose au Centre médical Marmottan ont été interrogés par Fériel Bachir, interne en psychiatrie, puis les transcriptions des entretiens ont été analysées thématiquement par quatre chercheurs : Fériel Bachir, Antoine Simon, Chloé Corbeau et Dina Roberts. Nous suivons ainsi la recommandation du rapport de l’Inserm sur l’hypnose datant de 2015* qui incitait à mener des études qualitatives pour déterminer le vécu des patients traités par hypnose. Les témoignages de patients cités dans cet article proviennent de cette étude qui est en cours d’analyse. Les patients décrivent la façon dont l’hypnose vient parfois remplacer la fonction qu’avait auparavant le produit. L’hypnose leur permet notamment de rechercher du plaisir, alors que certains d’entre eux n’en trouvaient plus en dehors de la prise de produits. Elle peut aussi venir remplacer le produit lorsqu’il est consommé comme une automédication pour apaiser des symptômes dépressifs. Il est ainsi essentiel, lors de l’entretien préalable à la séance d’hypnose, de s’intéresser précisément à la fonction que le produit a pour ce patient en particulier : s’évader dans son imaginaire ? Apaiser une angoisse ? L’aider à s’endormir ? Retrouver de l’énergie ?...

La séance d’hypnose pourra alors être orientée selon l’effet principal recherché par le patient. Prenons l’exemple d’un patient pour qui l’apragmatisme était au premier plan. Ce patient décrit bien la façon dont son addiction aux médicaments opiacés masquait ses symptômes dépressifs, avec une recrudescence de ces derniers à l’arrêt des consommations : « Par contre, ce qui a émergé de façon très franche c’est un état dépressif (…), la drogue que je prenais me cachait ma dépression, en fait. Quand j’ai arrêté, il y a eu d’un coup plein de symptômes. » Sa plus grande difficulté était de se remettre en mouvement : « Il y a eu vraiment une année, c’est affreux, où je ne faisais plus rien, j’étais dans l’impossibilité de faire. » Lors des séances d’hypnose, nous avons posé comme objectif de reprendre une activité qui lui plaisait, la natation : « Ça m’a fait du bien parce que c’était axé sur le faire. Ça faisait quatre ans que je ne nageais plus, elle m’a aidé à re-nager. » Les séances consistaient à retrouver les sensations agréables de la nage, dans le lieu sûr que représentait pour lui la piscine. Puis des suggestions métaphoriques visaient à diminuer ses ruminations anxieuses. Enfin, il intégrait cette remise en mouvement en imaginant concrètement en hypnose les prochaines fois où il irait nager. Il avait ainsi simulé mentalement le fait de se remettre en action. « Et elle me dit, et si vous avez comme ça des pensées qui vous alourdissent, qui vous parasitent, elle a dit laissez les tomber au fond de l’eau. Et la fois suivante, j’ai été nager et mentalement j’ai reproduit l’opération, presque comme un jeu, quoi. Et ça a marché (…), je n’y ai presque plus repensé pendant la journée, enfin c’était extraordinaire. » Il ajoute : « Je ne l’ai pas senti non plus comme un programme TCC, c’est-à-dire que sans arrêt je vivais l’expérience comme un enchevêtrement d’affects et de représentations. » Par ailleurs, il décrit que le produit lui permettait aussi de lutter contre son sentiment de solitude : « pour oublier que j’étais seul ».

Et il décrit comment le lien avec le thérapeute lors de la séance modifiait ce sentiment de vide relationnel : « Dans mon espace interne, c’est comme si je laissais entrer quelqu’un pour me laisser aller (…), comme si je constituais un tiers en moi, ou une présence psychique, c’est pas que ça me rend moins seul à proprement parler, mais quand même un petit peu. Ça suppose qu’on se laisse aller, il y a une personne qui est là. » Il décrit finalement retrouver « un plaisir de fonctionner dans (son) corps, dans l’espace, un plaisir de base ». « Ça a mis des couleurs sur un mur bien fissuré. » Il conclut en exprimant : « J’ai vraiment l’impression, au milieu d’un monde, d’un temps qui se défait, que l’hypnose joue comme un peu un centre de gravité. » Cette sensation de retrouver une forme d’équilibre est partagée par un autre patient, consommateur de cocaïne, alcool et cathinones (drogues de synthèse stimulantes, empathogènes et désinhibantes), dans un contexte sexuel le plus souvent. Pour lui, l’hypnose favorise « une espèce d’équilibre qui se met en place ». Il insiste particulièrement sur l’utilité de l’hypnose pour lier un nouveau rapport à ses émotions. Auparavant, les consommations de produits étaient souvent liées à une émotion qu’il cherchait à fuir : « C’est le problème de l’addiction en fait, souvent quand il y a une émotion qu’on ne peut pas gérer, on va boire, on va se droguer, peut-être pour fuir quelque chose (…),mais qu’il faut affronter et laisser vivre et rééquilibrer. » Il considère que l’hypnose est un outil efficace pour « cibler et laisser vivre des choses qu’on n’avait peut-être pas envie de laisser vivre mais qui font partie de soi, donc qu’il faut accepter, et les faire circuler ». Nous avions travaillé avec la métaphore de petits coffres dans lesquels les émotions étaient parfois enfermées et il utilisait les séances pour aller tranquillement les rouvrir. Par réification, il a ainsi pu s’approcher de sa colère, qu’il évoquait d’abord liée à des conflits avec son conjoint. Le travail sur cette émotion qu’il avait l’habitude de tenir à distance a permis de se reconnecter à la colère qu’il avait enfouie dix ans auparavant, lors d’une agression sexuelle dont il avait été victime.

Ses émotions, inhibées lors de cet événement traumatique, pouvaient alors s’exprimer et être ainsi accessibles pour en modifier l’intégration. Pour lui, l’hypnose peut même « substituer une prise de drogue suite à une émotion qu’on ne contrôle pas ». « Je pense que l’hypnose peut remplacer l’addiction. » Il s’est en effet rapidement approprier l’auto-hypnose qu’il utilise plusieurs fois par jour. Il évoque aussi le caractère hédonique de l’hypnose : « Plutôt que de prendre un truc, ça peut être aussi jouissif de faire une auto-hypnose, dans la satisfaction immédiate, peut-être. » Il évoque également son caractère rassurant : « Une petite auto-hypnose et on revient vite dans sa zone où on se sent protégé, où on est en sécurité. » Nous avions avec lui notamment construit un lieu sûr métaphorique, une bulle protectrice dans laquelle il pouvait se réfugier. Il continue parfois de consommer, mais son rapport au produit s’est modifié …

Plutôt que la drogue: l’hypnose pour retrouver du plaisir ?

DINA ROBERTS

Psychiatre et hypnothérapeute. Praticien hospitalier en addictologie au Centre médical Marmottan. Conférencière. Formatrice en hypnose à l’AFEHM et au CITAC. Intervenante pour des stages dans le spectacle vivant et membre de la compagnie de jonglage Defracto.


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Cet ouvrage de 228 pages analyse la dépression et les traitements de cette maladie qui frappe à un moment ou à un autre, selon l’OMS, 15% de la population mondiale de 15 à 75 ans. Les dix neufs auteurs qui contribuent à ce hors-série témoignent chacun à sa manière d’un savoir-faire en matière de prise en charge des patients déprimés. Loin des thérapies standardisées et de l’utilisation des psychotropes, ils montrent la singularité de chaque séance et invitent le lecteur à s’étonner, réfléchir et expérimenter pour sa propre pratique. Catherine Leloutre-Guibert a coordonné ce hors-série avec Sophie Cohen, rédactrice en chef.

Sommaire :

- Douleur chronique et dépression. D. Le Breton

- La dépression : un trouble attentionnel ? J.-M. Benhaiem

- La grossesse, le devenir parent. H. Saulnier

- Attitudes paradoxales. V. Torres-Lacaze et G. Delannoy

- Plutôt que la drogue. D. Roberts

- Naître dans la dépression maternelle. E. Bardot

- Le deuil au pays de l’individualisme. J. Betbèze

- L’hypnose dans la dépression du sujet âgé. M. Floccia, S. Lagouarde et M. Le Rudulier

- Un exemple de la thérapie stratégique. D. Vergriete

- Le médecin généraliste face à un patient dépressif. P. Le Grand

- Trois questions pour créer des petits bonheurs. M.-C. Cabié

- L’hypnose pour reprendre vie. C. Leloutre-Guibert

- Mémoire du futur. M. Nannini

- Stratégies thérapeutiques dans la dépression. W. Martineau

- Dermatoses chroniques. V. Bonnet

- Antidépresseurs, un long sevrage. C. Virot



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Rédigé le 17/04/2021 à 22:02 | Lu 2085 fois | 0 commentaire(s) modifié le 23/04/2021





Laurent Gross
Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de Formation... En savoir plus sur cet auteur

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