Hypnothérapie
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Le pouvoir de l'eczéma. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.


DÉCONTAMINER LE PARENT DES EFFETS DU SYMPTÔME.



C’est l’histoire de Lucas, 4 ans, souffrant d’un eczéma sur une jambe, « en miroir de la blessure de son père » accidenté. Un accompagnement de la famille en TLMR vise à faire jouer le pouvoir de l’imaginaire partagé, pour chasser le « gros bobo » du psychotraumatisme en enfermant l’ogre dans le château, grâce à des clés spéciales... Les enfants souffrant de trouble psychosomatique viennent souvent consulter sous « injonction », et parfois après une longue errance diagnostique. Quand la sentence tombe : « votre enfant n’a rien, c’est dans sa tête ! », les parents démunis se tournent vers le pédopsychiatre afin qu’il trouve une solution, voire répare leur enfant. Face à un mal impalpable, qui reste dans l’indicible, lorsque les médecins expriment leur impossibilité de soulager les maux de leur enfant, comment ne pas se sentir impuissant et insécurisé en tant que parent ? Le trouble psychosomatique a le pouvoir de venir figer le système familial et verrouiller ses ressources.

Sa capacité à altérer les liens facilite l’émergence d’un cercle vicieux qui s’autoalimente, générant l’isolement et rigidifiant les transactions au sein du système. Chez le parent, l’alternance entre l’empathie et l’agacement, voire le rejet face à la souffrance de l’enfant, impacte les liens d’attachement. Le parent se retrouve dépossédé de sa place d’autorité et de sa fonction de base sécure, favorisant la multiplication ou l’intensification des symptômes chez l’enfant voire l’émergence de troubles du comportement qui amplifient les effets négatifs chez le parent. Comment accompagner ces familles en souffrance à retisser des liens sécures, un préalable à l’apaisement des symptômes psychosomatiques ?

La Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) propose un modèle systémique d’accompagnement du système familial. Grâce à des outils basés sur l’imaginaire partagé, le travail s’effectue de manière indirecte, dans une dimension interactionnelle. Les parents peuvent alors réexpérimenter en sécurité leur fonction de « caregiver » et réinvestir leur rôle de soutien du développement psychoaffectif de l’enfant. À travers l’histoire de Lucas, nous allons voir comment décentrer le système familial du « symptôme » pour lequel l’enfant vient consulter afin d’activer le pouvoir thérapeutique des liens familiaux. Lucas est un enfant de 4 ans et demi, scolarisé en moyenne section de maternelle. Il est le seul enfant du couple. Madame évoque une grossesse compliquée et un accouchement anxiogène du fait d’« un cordon autour du cou ». Dans les premiers mois de vie, elle qualifie Lucas de « sangsue pouvant téter toute la journée ».

La famille vient en consultation car le suivi au CMPEA s’est interrompu et la psychologue scolaire s’inquiète de comportements inadaptés : « tape les autres élèves », « collage constant avec l’enseignante » dont seule la présence le contient face à des débordements émotionnels massifs. La psychologue mentionne aussi un eczéma sur sa jambe, présent depuis plusieurs mois « en miroir de la blessure de son père ». Selon elle, des événements familiaux seraient à l’origine « de l’agitation à l’école et de la dermatose ». De plus, elle est préoccupée par le comportement de « mini adulte » qu’elle observe chez Lucas en présence de son père, « comme s’il voulait porter tous ses problèmes », ce qui contraste fortement avec l’enfant qui déborde en classe. Lorsque je rencontre Lucas et ses parents, le tableau est le suivant : Madame apparaît épuisée, Monsieur, malgré une stature imposante, semble prêt à s’effondrer. Une cicatrice conséquente parcourt l’ensemble de sa jambe.

Le visage de Lucas est parcouru de tics et il répond aux questions avec un langage adultomorphe, montrant des difficultés à accéder à l’imaginaire. Il exprime d’emblée être « inquiet pour mon papa », et précise avec un ton sérieux : « vous avez vu, on a le même problème avec Papa. On est pareils », tout en montrant sa propre jambe. Deux ans auparavant, Monsieur a été victime d’un grave accident qui a donné lieu à plusieurs jours de coma. Il a subi de multiples chirurgies pour « récupérer sa jambe ». Lucas semble très intéressé lorsque les parents relatent cet épisode et réagit particulièrement au « gros bobo », mot utilisé pour nommer la blessure du papa. Madame évoque une forme de mimétisme entre Lucas et son père depuis l’accident, dont l’aspect le plus flagrant est la dépigmentation de la jambe qui ressemble étrangement à la cicatrice du père.

Celle-ci fait suite à un épisode d’eczéma massif. Suite à l’accident, Lucas, âgé de 2 ans et demi, a présenté une phase de régression et des jeux répétitifs, manifestation fréquente dans les suites d’un événement traumatique. Au début du suivi, il peut d’ailleurs dessiner des motos de façon compulsive. Les parents s’inquiètent pour la scolarité et la jambe mais ils évoquent aussi des problèmes de comportement à la maison : Lucas négocie tout, il ne respecte pas le cadre. Madame se dit épuisée car elle doit gérer son fils et ses études qu’elle vient de reprendre. Elle trouve Monsieur déprimé et sent qu’elle ne peut pas compter sur lui. Celui-ci reconnaît des difficultés à être disponible pour son fils. De plus, la dermatose génère de la culpabilité, le sentiment d’être responsable de ce qui arrive, sans pouvoir rien n’y changer. La dynamique familiale s’articule entre :
- une mère qui veut « tout bien faire » et répondre coûte que coûte à des modalités éducatives exigeantes, s’interdisant de prendre appui sur son intuition, ce qui occasionne d’ailleurs des mouvements de rejet à l’égard de Lucas ;
- un père qui alterne entre des reliquats d’un fonctionnement militaire et des moments d’effondrement liés aux impacts de l’accident ;
- un enfant qui apparaît insécurisé, alternant entre des signes d’agitation (débordements à l’école, tics faciaux) et de recherche de sécurité auprès de l’adulte (collage excessif), et à d’autres moments un besoin de tout contrôler (langage adultomorphe, négociation de tout...). Tous semblent essayer de faire comme si tout allait bien, de se convaincre que le pire est derrière, alors qu’en réalité les angoisses sont bien présentes. Ils sont encore très touchés par l’accident et ses conséquences, symbolisés par le « gros bobo ». L’image d’un château de cartes s’impose à moi au fur et à mesure de leur récit. Je la partage de manière indirecte sur la scène imaginaire.
- Thérapeute : « Imaginons dans l’espace, ici, au milieu de nous. Il y a Lucas, Maman, Papa. (D’un geste, je mime la place de chacun.) Et il y a aussi le “gros bobo”... Si je comprends bien, depuis l’accident c’est un peu comme si “le gros bobo” décidait de votre vie. Toute la famille... Lucas, Papa, Maman... fait ce qu’il faut pour continuer à avancer... mais le “gros bobo” prend toute la place... et ça fait un peu comme un château de cartes.
- Mère : J’ai plutôt l’impression d’un château fort dans lequel on est tous enfermés et dont on n’arrive pas à trouver la clé.

Je prends le parti de dessiner le château afin d’observer comment retrouver la clé pour s’en libérer. Lucas qui était parti jouer sur le tapis revient et dessine spontanément une sorcière sur son balai qui surveille le « château du gros bobo ». Ensuite, il dessine un rectangle sur la jambe du bonhomme représentant son père et sur celui qui le représente et les relient l’un à l’autre.
- Th. : C’est bon comme ça ou tu voudrais que ça change ?
- Lucas : Je sais pas. » (Il retourne sur le tapis.)
En m’appuyant sur les effets du langage non verbal de Lucas chez moi, j’oriente la guidance vers les parents. Je leur explique quelques éléments liés au psychotraumatisme afin qu’ils prennent conscience des impacts de celui-ci sur chacun et sur les relations entre eux, en tissant entre des éléments factuels et un langage plus imagé autour de l’enfermement dans le château. Lors de la consultation suivante, la dynamique familiale reste figée. Je leur propose de mettre en forme leur monde relationnel familial, autrement dit l’espace relationnel dans lequel ils interagissent et communiquent entre eux. Nous l’externalisons sur la scène imaginaire à partir de la métaphore de la consultation précédente.

Monsieur et Madame peuvent alors observer et ressentir les effets du « château du gros bobo » dans leur quotidien. Cette mise en forme libère leur parole comme si elle venait les autoriser à « regarder vraiment » ce qui se passe pour eux : Monsieur constate qu’il s’enferme dans son garage et s’occupe de ses motos, Madame exprime qu’elle se sent enfermée dans ses obligations de tout bien réussir, pour la maison, avec Lucas, ou encore dans ses études. L’observation en position méta les amène à prendre conscience de deux éléments fondamentaux intrapersonnels et interpersonnels : Monsieur, de sa fuite dans le garage pour ne pas faire face au vide lié à l’absence de travail et au sentiment d’inutilité ; Madame, une forme de rigidité pour continuer quoi qu’il arrive ; et eux deux d’avoir l’impression que chacun habite une pièce du château comme si celui-ci avait réussi à les séparer l’un de l’autre. Pendant que nous nous occupons indirectement du « gros bobo » avec les parents de Lucas, celui-ci alterne entre les moments de jeux sur le tapis (jeu du docteur essentiellement) et la réalisation de dessins de motos, toujours très attentif à ce qui est dit.

A la suite de cette séance, les parents pourront témoigner d’une « complicité retrouvée ». La vie semble aussi réémerger dans les échanges, chacun reprenant progressivement sa place : Madame retrouve de l’énergie, Monsieur se redresse et devient plus loquace lors des entretiens, les dessins de Lucas commencent à se diversifier sur d’autres thématiques. A l’école, les choses s’apaisent. Lors d’une consultation, Monsieur est heureux de m’informer qu’il a retrouvé un travail. Il boite toujours mais semble plus à l’aise dans ses déplacements et surtout son buste a repris sa verticalité. On peut observer en miroir que la jambe de Lucas s’améliore elle aussi.

D’ailleurs, il me la montre fièrement.
- Lucas : « Vous avez vu, le gros bobo va mieux.
- Th. : Est-ce qu’il y a encore besoin de faire quelque chose ?
- Lucas : Oui, je crois que c’est le moment de le guérir. Mais comment on fait ? » Comme Lucas est installé sur le tapis, je lui propose de prendre la seringue à côté de lui. Nous transformons celle-ci en seringue magique. Avec beaucoup de sérieux, il commence par prendre soin de sa jambe en faisant plein de petites piqûres, puis il se dirige vers la jambe de son père et réalise tout en douceur les mêmes gestes sur la cicatrice. J’observe que la posture de Lucas a beaucoup changé par rapport aux premiers rendez-vous. Je retrouve des comportements en lien avec son âge : un enfant qui joue au docteur-magicien. Son visage est plus serein avec une disparition des tics faciaux. Ses parents le regardent comme un enfant, l’émotion se lisant dans leur regard. Néanmoins, lors de la consultation suivante, les parents semblent particulièrement agacés. Lucas redevient « dur » vis-à-vis d’eux. Madame le vit comme un véritable échec, tenant des propos sévères, entre colère et impuissance. La culpabilisation ne semble pas particulièrement affecter Lucas. Face à la détresse de Madame, je propose de faire revenir le château, voir ce qu’il devient, afin d’éviter l’escalade des reproches. C’est Lucas qui prend la parole. Il m’explique que son « bobo est guéri pour toujours » car il a trouvé « plein d’objets magiques » à la maison pour continuer à guérir sa jambe. Effectivement, les traces de dépigmentation ne sont quasiment plus perceptibles.
- Lucas : « Maintenant faut s’occuper de l’ogre ! L’ogre, c’est celui qui habite avec Papa, Maman et moi et qui fait plein de bêtises. (Madame s’agite sur son siège mais le laisse poursuivre.) Il faudrait qu’on trouve un moyen d’emprisonner l’ogre.
- Th. : Et comment on pourrait faire ? Il faut voir avec la sorcière ?
- Lucas : Non, y a plus la sorcière. Maintenant c’est un ogre.
- Th. : Et il fait quoi l’ogre dans le château ?
- Lucas : Il met maman très en colère car il casse tout. Papa l’aime pas car il a volé le trésor de la ville. On doit le reprendre.
- Th. : Et toi, est-ce que tu t’entends bien avec l’ogre ?
- Lucas : Parfois je suis avec lui… (moue dubitative).
- Th. : Alors on fait quoi ?

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Dr Virginie Bardot. Psychiatre, pédopsychiatre, psychothérapeute. Formatrice en thérapie du lien et des mondes relationnels à l'institut Mimethys. Autrice de la résilience du Phénix et co autrice de De l’HTSMA à la thérapie du lien et des mondes relationnels : naviguer à travers les mondes traumatiques.

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SOMMAIRE


06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze 

10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy 

12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen 

14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot 

28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy 
40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet


52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot 

71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann 

78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann 

94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine 

106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup 

120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot


134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly 

146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov 

152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits 

164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy 152 / Poême Ce corps K. Ficini

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Rédigé le 07/06/2025 à 16:41 | Lu 13 fois | 0 commentaire(s) modifié le 07/06/2025





Laurent GROSS
- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies... En savoir plus sur cet auteur

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