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Améliorer nos pratiques de psychothérapie. Revue hypnose et thérapies brèves 73


QUESTIONNER SA PRATIQUE TOUS LES JOURS.
S’interroger sur sa pratique, analyser ses émotions pendant telle séance, chercher à s’améliorer à la lumière d’études, utiliser le feedback, le retour d’expérience... Cette patiente s’est-elle sentie écoutée ? Faut-il revoir la fréquence des séances ? Pour un thérapeute, questionner sa pratique, tout en acceptant ses limites, ne peut qu’être bénéfique dans la relation avec ses patients.



Améliorer nos pratiques de psychothérapie. Revue hypnose et thérapies brèves 73
Comme la plupart d’entre nous, humains, il peut arriver que vous ne vous sentiez pas à la hauteur des défis de la vie, ou que les situations complexes de vos patients ébranlent votre confiance. Dans de telles situations, il est essentiel de remplacer le réflexe de l’abandon par une attitude de recherche constante d’amélioration, jour après jour, heure après heure, seconde après seconde. Le piège de l’expérience et de l’âge réside dans l’accumulation d’automatismes, la croyance d’avoir tout compris des êtres humains, et cela peut entraîner une perte d’efficacité sans même s’en rendre compte.

Pour s’améliorer, il est essentiel de savoir d’où l’on part. Dans une étude, des thérapeutes se sont vu demander de s’auto-évaluer en utilisant une échelle de notation de A+ à F (système américain). Deux tiers d’entre eux se sont attribués des notes A ou A+, ce qui signifie excellent, et AUCUN n’a admis se situer en dessous de la moyenne. Mathématiquement, cela est impossible, ce qui nous amène à reconnaître qu’on devrait pouvoir se situer au-dessus, dans la moyenne, ou en dessous de la moyenne (Sapyta et al., 2005). De plus, les évaluations concrètes semblent indiquer que les thérapeutes obtenant les meilleurs résultats concrets ne sont pas nécessairement ceux qui s’auto-évaluent comme excellents, mais plutôt ceux qui se considèrent comme moyens, voire légèrement au-dessus de la moyenne. Pourquoi ? Il semblerait que ce soit parce qu’ils sont les plus motivés à remettre en question leur pratique régulièrement. Comment peut-on s’interroger sur sa pratique ? Grâce à l’utilisation régulière du retour patient, également connu sous le nom de « Feedback-Informed Treatment » (FIT).

Dans le cadre d’un essai randomisé portant sur la thérapie de couple (n=170), une amélioration significative des résultats cliniques a été observée dans le groupe ayant mis en place une surveillance systématique du feedback (FIT). Concrètement, il a été constaté qu’il y avait 2,5 fois plus de chances d’obtenir une amélioration, avec une taille d’effet de 0,26 et une valeur de p de 0,037, par rapport au groupe où les thérapeutes ne sollicitaient pas systématiquement de retour d’expérience à chaque séance (Brattland et al., 2018). En termes pratiques, ce feedback devrait au moins inclure des questions telles que : « avançons-nous dans la bonne direction pour vous ? », « vous sentez-vous en confiance et pensez-vous que nous discutons de ce qui est important pour vous ? », « qu’est-ce que nous accomplissons ensemble de manière utile ? ou non ? », etc. L’un des auteurs qui a approfondi cette question est Scott D. Miller, psychologue.

Il a développé une échelle de retour d’expérience simple et reproductible, déjà traduite en français, nommée ORS (Outcome Report Scale) et SRS (Session Report Scale) (Scott D. Miller et al., 2013). Vous pouvez trouver cette échelle sur son site web : https://store.scottdmiller. com/. Elle est accessible gratuitement et utilisable sans frais pour la version clinique papier. Cependant, il est nécessaire de payer si vous souhaitez utiliser les applications numériques. • ORS comprend quatre questions posées en début de séance, portant sur la manière dont s’est déroulée la semaine de la personne, que ce soit sur le plan individuel, professionnel, familial ou global. • SRS se compose également de quatre questions, posées en fin de séance, pour évaluer si la personne s’est sentie écoutée, respectée, si les discussions ont porté sur ce qui était important pour elle, si la méthode du thérapeute lui convenait, et si la séance lui a globalement convenu.

L’échelle se présente sous la forme d’une EVA (Echelle visuelle analogique) à chaque item, avec une barre horizontale de 10 cm, où la personne place un petit trait. Chaque réponse est ensuite mesurée avec un décimètre, arrondie au millimètre le plus proche, puis les quatre nombres sont additionnés pour obtenir un score sur 40 pour chaque échelle (0 = se sent au plus mal ; 40 = se sent super bien). L’objectif pour le thérapeute est de voir le score s’améliorer de séance en séance. Scott D. Miller explique que si après 7 séances, il n’y a aucune amélioration à l’échelle ORS, il y a une grande probabilité que continuer n’améliorera pas le résultat final, et qu’il faut probablement adresser les patients à quelqu’un d’autre. De même, avant cela, si après 3 ou 4 séances il n’y a pas d’amélioration, il peut être judicieux de considérer un changement de technique ou d’approche.

On considère généralement un score de 25/40 à l’ORS comme la limite pour un individu se sentant plutôt bien, et si la personne maintient ce score ou dépasse 25/40 pendant plusieurs séances, il pourrait être envisageable de mettre fin au traitement. Pour ce qui est de l’autre échelle, la SRS, elle est notée de la même manière, de 0 à 40, mais les critères sont plus exigeants. Il semble que les patients soient généralement bienveillants envers leurs thérapeutes et tendent à les évaluer positivement pour ne pas les blesser peut-être. Ainsi fixe-t-on la limite suivante : si la note est inférieure à 36/40, soit inférieure à 9/10 pour n’importe laquelle des 4 questions, il est recommandé de prendre quelques minutes pour demander des explications. On peut ainsi comprendre ce qui a fait que la personne ne s’est pas sentie écoutée ou que la séance ne lui a pas convenu. Cette démarche permet de consacrer 5 minutes pour apporter des corrections immédiates ou de s’en occuper lors de la séance suivante.

ADAPTER LA FRÉQUENCE DES SÉANCES

Il est devenu courant de s’adapter comme on le peut dans la prise en charge des patients. Cependant, depuis longtemps les psychologues recommandaient des séances hebdomadaires, voire même à plusieurs reprises par semaine. La formation en thérapie brève a également influencé l’auteur, semblant suggérer que peu de séances, espacées dans le temps, étaient suffisantes pour la plupart des patients. En réalité, cela peut être vrai pour certains patients, mais pas pour la majorité. Comment le savoir sans consulter la littérature spécialisée sur le sujet ? Une autre manière de s’améliorer consiste donc à s’intéresser aux études menées dans notre domaine et à adopter une attitude de chercheur : curiosité, ouverture d’esprit, formulation d’hypothèses, collecte de données, tirer des conclusions, prendre des décisions et agir en conséquence. Dans une étude rétrospective portant sur plus de 21 000 patients, avec un suivi moyen de 17 ans, les auteurs n’ont pas trouvé de corrélation entre l’amélioration clinique et le nombre total de séances. Ce résultat est particulièrement intrigant, car il suggère que, en moyenne, que l’on ait suivi 5, 20 ou 100 séances, cela n’a pas d’impact significatif en moyenne, même si cela peut bien sûr jouer pour certains patients. En revanche, les auteurs ont découvert une corrélation statistiquement significative entre l’amélioration clinique et la fréquence des séances : les séances hebdomadaires ont donné de meilleurs résultats que celles plus espacées (Erekson et al., 2015).

L’auteur de cette étude a été critiqué pour le caractère rétrospectif de son travail, et la saine méfiance scientifique l’a incité à réaliser une étude prospective récemment publiée (Erekson et al., 2022). Cette étude randomisée, qui a inclus 1 322 participants (totalisant 3 919 séances), a comparé les effets des séances hebdomadaires à ceux des séances plus espacées. Les résultats ont montré que la psychothérapie hebdomadaire avait de meilleures chances de succès clinique et offrait également une probabilité plus élevée d’amélioration précoce. Par conséquent, ces résultats nous incitent, dans la mesure du possible, à prendre en charge de nouveaux patients, à les voir aussi fréquemment que possible en peu de temps, et ensuite, lorsque la situation s’améliore, ou en l’absence totale de progrès, à mettre fin à la thérapie et à accueillir de nouvelles personnes. C’est la fréquence et l’intensité, plutôt que la quantité de séances, qui semblent jouer un rôle clé dans l’amélioration clinique. D’autres chercheurs ont également tenté de mesurer ces effets. Dans une méta-analyse englobant 70 études et plus de 5 000 patients, à travers une analyse multivariée, il n’a pas été observé de différence significative dans les résultats cliniques en fonction du nombre total de séances. Cependant, les chercheurs ont identifié une corrélation robuste entre l’amélioration clinique et le nombre de séances par semaine (deux séances par semaine ont montré des effets plus positifs que seulement une séance par semaine) (Cuijpers et al., 2013).

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Dr Stéphane Radoykov

Médecin psychiatre, ancien chef de clinique assistant, praticien contractuel (Hôpital Cochin) et remplaçant libéral. Formateur. Directeur adjoint de l’Institut Emergences. Cofondateur du comité jeunesse de l’ISH.

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Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°73 :
''En thérapie brève, comme en hypnose formelle, le thérapeute doit posséder de solides connaissances cliniques et la capacité à rentrer dans une transe partagée avec le sujet qu’il accompagne. A partir de cette expérience relationnelle, le thérapeute va poser des questions pour permettre au sujet de se décaler de l’histoire pathologique dans laquelle il est enfermé.''


Jérémie Roos nous montre comment l’utilisation du questionnement externalisant va permettre chez une jeune femme de 20 ans, prise dans une histoire de conflit de loyauté, de TOC et de surpoids, d’ouvrir un espace de liberté où elle pourra assumer ses prises de décision et trouver la force de renégocier sa place dans les relations. Je vous propose ensuite un texte où je développe un certain nombre de chemins pour « reprendre confiance dans le lien humain », quand celui-ci a été détruit par des vécus traumatiques. Il n’y a qu’à partir d’une expérience de sécurité, en lien avec une confiance retrouvée, que le sujet est en capacité de faire face aux effets du trauma.


Bernard Mayer souligne l’importance du travail avec le corps dans la désensibilisation des traumas. A travers le cas d’Eglantine, il nous fait percevoir l’importance du travail avec le Système nerveux autonome pour remettre en mouvement les processus de réassociation.

Dans l’« Espace Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente le travail de trois praticiens :

- Dans le cas d’une douleur d’épaule, Michel Dumas nous indique comment l’hypnose favorise la réconciliation avec cette partie du corps isolée par la douleur.

- Christophe Hardy nous ouvre à l’utilisation hypnotique du « swiss ball » pour redonner du mouvement à un dos enfermé dans la lombalgie.

- Laurence Dalem nous rappelle l’importance des soins palliatifs et combien la relation n’appartient jamais à une personne, mais est toujours partagée.

- Dans le dossier thématique ''Interroger nos pratiques'', Guillaume Delannoy et Nathalie Koralnik nous font comprendre qu’aucun thérapeute n’est à l’abri de faire une « mauvaise séance » et ils développent ainsi un mode d’emploi en 20 points pour s’empêcher de réussir !

Vous pouvez en profiter pour lire le « Quiproquo » de Stefano Colombo sur l’échec, illustré avec humour par Muhuc, afin de comprendre pourquoi l’hypnose, on ne peut pas la réussir, avec un grand avantage : pas de réussite, pas d’échec !

J’ai eu le grand plaisir d’interviewer Dominique Megglé à la suite de la publication de son livre ''Les chaussettes trouées'', synthèse des points importants émergeant de sa longue expérience de clinicien. Il évoque l’importance de penser la psychopathologie à partir de l’hypnopathologie. Voilà une position novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives pour nous interroger sur la pertinence de nos pratiques.

Stéphane Radoykov questionne également sa pratique, tout en acceptant ses limites, il recherche des améliorations en sortant par exemple du piège des automatismes. Il fait référence aux questionnaires de Scott D. Miller, essentiels pour se situer dans une dimension de co-construction pour ouvrir des possibles.

Adrian Chaboche nous rappelle la phrase d’Erickson pour nous inciter à être créatifs : « N’imitez pas. Soyez naturellement vous-même. J’ai passé du temps à essayer d’imiter d’autres, ce fut un désastre ! »

Sophie Cohen utilise « l’arbre de vie » pour aider Hélène à se libérer des relations dysfonctionnelles transgénérationnelles et s’autoriser à construire sa propre histoire en lien avec ses valeurs préférées.

Livres en bouche.

Formations et Supervisions en Approches Centrées Solution, Thérapies Brèves avec Sophie TOURNOUËR




Rédigé le 29/11/2024 à 20:54 | Lu 250 fois | 0 commentaire(s) modifié le 29/11/2024





Laurent GROSS
- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies... En savoir plus sur cet auteur

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