« La solution du problème que tu vois dans la vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème » Ludwig WITTGENSTEIN
Bienvenue dans ce « Hors-Série » que nous aimerions voir comme un voyage dont le point de départ s’appellera psychotraumatisme. Une maltraitance sur une indicible solitude qui fait du vide et de l’oppression, et des réflexes de fuite, de combat, de figement, de dissociation. Un déséquilibre effroyable, source de sensations désagréables et de réactions désordonnées qui s’autoentretiennent. Ni bons ni mauvais, ces réflexes sont censés s’écouler, s’achever dans une relation sécure : « les bras » de la personne censée protéger. Mais ici, pas de relation vue comme capable d’accueillir le malheur.
Ainsi, alors même que le contexte traumatique a disparu, ce qui pour certains sera une épreuve de la vie se transforme pour d’autres en une prison de gestes automatiques se répétant inlassablement faute de sensation d’être entendu. Dans cette répétition, le comportement va se caricaturer et résumer la personne qu’on appellera parfois « la victime », « le phobique », « l’anorexique », « l’hystérique », « la borderline »...
D’une identité relationnelle et adaptative nous basculons vers une identité figée et limitante. Les sensations de mon corps, censées me guider vers l’équilibre, vont devenir des ennemies. Les expériences relationnelles du passé sur lesquelles je me construis et les belles images du futur qui me permettent de me mouvoir vont être contaminées par le trauma. Je rentre dans un monde de lutte, contre ces pensées, contre ces sensations. Cette lutte ne venant que nourrir leur emprise.
Le rapport à l’autre est contaminé, et ce n’est plus cet homme qui dans ce contexte-là a eu un comportement de « porc » mais « tous les hommes qui sont des porcs ». La contagion gagne le rapport à soi, « je suis détestable... », et le rapport au monde ou tout devient maltraitant et abandonnique.
Loin de nous l’idée de tout transformer en trauma et de s’appesantir sur une psychopathologie certes passionnante mais qui serait juste là pour cartographier un monde dévasté. Non ! Vous retrouverez donc dans ces pages des thérapeutes soucieux d’ouvrir les portes de cette prison et les descriptions des moyens d’y parvenir... Sûrement de la psychothérapie.
Comment construire un pont solide, dont le thérapeute pourra être un des piliers ? Comment faire revenir les autres piliers de ce pont ; ceux qu’on appelle parfois tiers sécures ? De cette relation capable d’accueillir, de réassocier ce qui était dissocié, comment remettre en mouvement ce qui était figé ? Le faire face en lieu et place de l’évitement, accueillir au lieu de lutter et accepter que rien ne sera plus comme avant. De ce nouvel endroit, comment retrouver une relation plus confortable à l’autre, à moi, au monde pour aller vers cet avenir ou « malgré le traumatisme » je suis cet homme, cette femme que je souhaite être ? Ce « malgré » cher à Alain Vallée à qui nous souhaitons dédier ce numéro.
Comment ce passé, bien passé, pourra maintenant s’appeler épreuve et parfois apprentissage (dont c’est vrai je me serais bien passé) et construire des belles images du futur, source de mouvement ? Et ainsi faire que ce corps de nouveau vivant dans la relation redevienne mon guide et me permette des choix.
Encore une fois, bienvenue dans ce numéro, pour peut-être vous aussi faire ces rencontres qui ouvrent à soi et au monde et vous réjouir de points de vue différents qui viendront enrichir nos liens.
Bonne lecture !
Dr EMMANUEL MALPHETTES
Travaille comme chef de service de psychiatrie au CHU de Nantes. Responsable du centre régional sur le psychotraumatisme et d’une unité de consultation de post-urgence. Formateur au DU d’hypnose, au DIU de prise en charge de la douleur, au sein de l’ARePTA-IMHENA et dans d’autres instituts de formation. Intervient comme enseignant dans les séminaires pour les internes en DES de psychiatrie, à l’IFSI, à l’Ecole de sages-femmes et à la Faculté de psychologie.
Bienvenue dans ce « Hors-Série » que nous aimerions voir comme un voyage dont le point de départ s’appellera psychotraumatisme. Une maltraitance sur une indicible solitude qui fait du vide et de l’oppression, et des réflexes de fuite, de combat, de figement, de dissociation. Un déséquilibre effroyable, source de sensations désagréables et de réactions désordonnées qui s’autoentretiennent. Ni bons ni mauvais, ces réflexes sont censés s’écouler, s’achever dans une relation sécure : « les bras » de la personne censée protéger. Mais ici, pas de relation vue comme capable d’accueillir le malheur.
Ainsi, alors même que le contexte traumatique a disparu, ce qui pour certains sera une épreuve de la vie se transforme pour d’autres en une prison de gestes automatiques se répétant inlassablement faute de sensation d’être entendu. Dans cette répétition, le comportement va se caricaturer et résumer la personne qu’on appellera parfois « la victime », « le phobique », « l’anorexique », « l’hystérique », « la borderline »...
D’une identité relationnelle et adaptative nous basculons vers une identité figée et limitante. Les sensations de mon corps, censées me guider vers l’équilibre, vont devenir des ennemies. Les expériences relationnelles du passé sur lesquelles je me construis et les belles images du futur qui me permettent de me mouvoir vont être contaminées par le trauma. Je rentre dans un monde de lutte, contre ces pensées, contre ces sensations. Cette lutte ne venant que nourrir leur emprise.
Le rapport à l’autre est contaminé, et ce n’est plus cet homme qui dans ce contexte-là a eu un comportement de « porc » mais « tous les hommes qui sont des porcs ». La contagion gagne le rapport à soi, « je suis détestable... », et le rapport au monde ou tout devient maltraitant et abandonnique.
Loin de nous l’idée de tout transformer en trauma et de s’appesantir sur une psychopathologie certes passionnante mais qui serait juste là pour cartographier un monde dévasté. Non ! Vous retrouverez donc dans ces pages des thérapeutes soucieux d’ouvrir les portes de cette prison et les descriptions des moyens d’y parvenir... Sûrement de la psychothérapie.
Comment construire un pont solide, dont le thérapeute pourra être un des piliers ? Comment faire revenir les autres piliers de ce pont ; ceux qu’on appelle parfois tiers sécures ? De cette relation capable d’accueillir, de réassocier ce qui était dissocié, comment remettre en mouvement ce qui était figé ? Le faire face en lieu et place de l’évitement, accueillir au lieu de lutter et accepter que rien ne sera plus comme avant. De ce nouvel endroit, comment retrouver une relation plus confortable à l’autre, à moi, au monde pour aller vers cet avenir ou « malgré le traumatisme » je suis cet homme, cette femme que je souhaite être ? Ce « malgré » cher à Alain Vallée à qui nous souhaitons dédier ce numéro.
Comment ce passé, bien passé, pourra maintenant s’appeler épreuve et parfois apprentissage (dont c’est vrai je me serais bien passé) et construire des belles images du futur, source de mouvement ? Et ainsi faire que ce corps de nouveau vivant dans la relation redevienne mon guide et me permette des choix.
Encore une fois, bienvenue dans ce numéro, pour peut-être vous aussi faire ces rencontres qui ouvrent à soi et au monde et vous réjouir de points de vue différents qui viendront enrichir nos liens.
Bonne lecture !
Dr EMMANUEL MALPHETTES
Travaille comme chef de service de psychiatrie au CHU de Nantes. Responsable du centre régional sur le psychotraumatisme et d’une unité de consultation de post-urgence. Formateur au DU d’hypnose, au DIU de prise en charge de la douleur, au sein de l’ARePTA-IMHENA et dans d’autres instituts de formation. Intervient comme enseignant dans les séminaires pour les internes en DES de psychiatrie, à l’IFSI, à l’Ecole de sages-femmes et à la Faculté de psychologie.
